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Frederik Steenbrink

15 novembre 2019

Avec Isabelle Georges au Feinstein’s 54 Below à New York

Dans le cadre de la sortie de l'album Oh Là Là d'Isabelle Georges, un concert exceptionnel au Feinstein's 54 Below à New York.

Critique dans BroadwayWorld par Stephan Mosher.

BWW Review: Isabelle Georges Came, She Saw, She Conquered 54 Below with OH LA LA
Par Stephen Mosher – 16 novembre 2019

L’expression Ooh La La est utilisée lorsque vous trouvez quelqu’un ou quelque chose de surprenant, d’inhabituel ou de sexuellement attirant. En France, l’expression Oh La La est différente, avec une définition plus simple : WOW. Les deux expressions sont utilisées, mais ce sont des expressions différentes.

Isabelle Georges est la définition de Oh La La et Ooh La La. Il est donc tout à fait approprié que son premier spectacle au Feinstein’s/54 Below hier soir ait été intitulé Oh La La. Mme Georges est surprenante, elle est inhabituelle, elle est sexuelle, elle est attirante et surtout elle est WOW. Le public du 54 Below, qui affichait complet, était un merveilleux mélange de personnes qui connaissaient bien son travail ou qui la voyaient pour la première fois. Ceux qui connaissaient déjà Mme Georges étaient détendus à leur place et ont assisté au déroulement d’un événement auquel ils étaient préparés. Les invités qui voyaient Mme Georges pour la première fois n’étaient pas détendus à leur place : ils étaient alertes et vivants car, à chaque instant, ils étaient de plus en plus excités et captivés par l’un des talents les plus uniques que l’on puisse trouver sur la scène d’une boîte de nuit.

Comme un panel arrivant pour discuter des bénéfices annuels lors d’une assemblée des actionnaires, Isabelle Georges et son équipe de quatre musiciens se sont promenés dans la salle à manger et sont montés sur la scène, alors qu’un public légèrement surpris regardait dans son assiette, sa boisson ou sa conversation et pensait “oh, je suppose que ça commence”. “Un sourire complice sur son joli visage, Mme Georges a reconnu la foule avec un balayage bienveillant de son regard amical, et à la seconde où le groupe était en place, elle s’est lancée dans une soirée de divertissement qui a saisi le public et l’a joyeusement pris en otage pendant 70 minutes. Audacieuse et fougueuse, la Française a plus d’énergie qu’un être humain ne devrait pouvoir en avoir, ce qui n’est guère surprenant puisqu’elle semble également avoir plus de talent qu’un être humain ne devrait pouvoir en avoir. Avec une setlist composée de 17 chansons chantées en français, en anglais et en yiddish, Mme George a apporté tellement de français dans la salle qu’on se demande si, en partant, on ne pourrait pas découvrir qu’ils ont été magiquement transportés à Paris pour voir à quoi ressemble un vrai cabaret français. En effet, lors du départ du club après le spectacle de George, on a entendu un invité dire : “J’ai toujours pensé que ce serait comme un cabaret, mais jusqu’à ce soir, je ne l’avais jamais vu. “Souvent, lorsque l’on rencontre des gens d’un endroit précis, il est facile d’oublier leurs origines. Il peut y avoir des gens avec qui on parle en oubliant qu’ils sont texans, californiens, new-yorkais… il y a même des moments où l’on peut oublier qu’ils communiquent avec un Britannique, un Italien, un Suédois, même en écoutant leur accent natif rouler magnifiquement sur leur langue.

Il n’y a pas moyen de contourner la francophonie d’Isabelle Georges. L’accent seul est la preuve que Mme Georges vient de France – mais chaque fibre de son être crie Parisienne ! Parisienne ! Isabelle Georges incarne, au nième degré, l’art du cabaret, la sensibilité d’une artiste et l’esprit de la France. Avec les chansons de Jaques Brel, Charles Aznavour et Charles Trenet, Isabelle Georges emmène son public dans un autre monde, dont certains sont liés à sa propre vie, d’autres sont détachés, mais d’autres encore sont palpables et personnels. Il est évident que tout son public ne comprend pas le français (et certainement pas le yiddish), mais il n’y a pas besoin de traducteur pour comprendre ce qu’elle chante, pour suivre son histoire. La barrière de la langue est efficacement et éloquemment brisée par les pouvoirs d’actrice de Georges, laissant les spectateurs essoufflés et électrisés par la force de son raz-de-marée d’énergie, même dans les moments les plus calmes de son puissant récit.

Mme Georges doit travailler à partir d’un scénario – personne ne pourrait être aussi spontanément parfait dans la livraison de sa rhétorique, et pourtant sa présence et sa performance ne souffrent jamais d’une répétition ou d’un manque d’inspiration. À aucun moment, il n’y a un sentiment de confinement de la boule de feu française. Il y a de la prose spécialement conçue pour peindre des tableaux dramatiques et de l’humour particulièrement choisi pour provoquer des rires de ventre, mais chaque mot prononcé semble naître dans l’instant, comme si les pensées venaient à Georges alors qu’elle se tient devant nous, ravie d’avoir arraché des airs les phrases parfaites pour exprimer les pensées qui défilent dans son esprit.

Isabelle Georges apporte à la scène et à son spectacle un respect absolu pour le matériel qu’elle présente et ce respect a informé les membres de la distribution de sa pièce, puisque elle n’a choisi que les meilleures pour l’aider à apporter tout le contenu émotionnel de chaque note de musique entendue hier soir. Avec Thomas Hubbard à la contrebasse, Ray Marchica à la batterie et Aaron Heick aux anches, Georges a encore plus d’occasions de célébrer la musique, les histoires et la vie avec entrain, car elle s’attache à chacun d’eux, son admiration pour leur maîtrise se manifestant à chaque instant. Sa relation avec le directeur musical et pianiste Frederik Steenbrink, cependant, est un continuelle et combustible mariage de grandeur musicale. Le duo a clairement une connexion et une alchimie qui rendrait jaloux quiconque souhaite et espère avoir un partenaire dans le crime et la création, et c’est comme cela qu’il faut faire, car Georges mérite d’avoir un maestro qui soit aussi magnifique qu’elle.

Il conviendrait de tenter de la mettre sur un pied d’égalité avec d’autres grands artistes du passé. Peut-être Piaf, peut-être Garland, peut-être Baker, peut-être Minnelli, peut-être Midler, peut-être Charo, – mais cela ne marche pas. Aucune comparaison avec un autre artiste ne pourrait jamais, pleinement, saisir l’expérience de voir Isabelle Georges travailler ; mais, alors, c’est vrai pour chacune des femmes dont les noms viennent d’être cités. Elles sont originales, elles sont des individus, elles sont uniques. C’est pour cela qu’elles se distinguent. Et Isabelle Georges se démarque. Elle est cette rare combinaison de théâtralité et de pragmatisme qui fait que l’on se souvient d’elle. Qui d’autre pourrait se tenir sur une scène avec un bustier perlé et pieds nus, chantant des chansons tout en dansant autour d’une scène sur une musique créée par des musiciens qu’elle loue ouvertement à son public pour être sexy en même temps qu’ils sont talentueux ? Une diva.

Et cette diva est CLAIREMENT amoureuse de ce qu’elle fait. Elle est la personne la moins timide qui ait jamais mis les pieds sur une scène. Mme Georges est tellement à l’aise qu’elle pourrait, en théorie, faire ce spectacle alors qu’elle est ivre, dans son salon… mais ivre de champagne, bien sûr. Avec un abandon débridé, Isabelle Georges change de costume devant son public, fait des blagues sur son 54 Below, fait des claquettes féroces dans un espace de quatre par quatre, ébouriffe les cheveux de ses camarades, flirte avec son public, dispense la sagesse yiddish, française et humaine, arrache des visages, fait des gaffes, fabrique des marionnettes à main et des voix idiotes, exprime l’amour et chante jusqu’à la lune au sommet d’un piano à queue. Regarder Isabelle Georges se produire pendant une heure est la représentation la plus délicieuse et la plus désirable d’une bipolarité frénétique et résolue, musicale et théâtrale. Être dans une pièce pendant qu’Isabelle Georges se produit, c’est être dans l’œil de l’ouragan, et vous ne voudrez plus en sortir.

La participation d’Isabelle Georges à la représentation de Feinstein/54 Below n’a duré qu’une nuit. Nous espérons que Mme Georges reviendra pour d’autres dates dans cette boîte de nuit ou dans n’importe quelle autre de New York.

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